État d’urgence littéraire

                           « L’aliénation la plus grande est aussi ce qui peut conduire, si quelque barrière cède, à la plus extrême poésie. » (Yves Bonnefoy, Rimbaud)

Réanimer les mots

Déconfiner la pensée

Retour à l’ère glaciaire. Fi de la douceur printanière, on se barricade, on recule, on s’éloigne. Protégez-vous braves gens, restez chez vous, soyez prudents. Les mots aussi vont de travers, forment barrière, tête à l’envers. On s’isole, ils tournoient, s’attardent. Comptabilité mortuaire. Protocole sanitaire. Gestes frontières. L’homme est un virus pour l’homme. Distanciation Distance quelle différence. Distanciation sociale, physique, mentale, brutale. S’adapter sans déroger. Se protéger. Se méfier. Du covid avide. Du voisin livide. Les rues se vident, on s’évite, rapide. On s’observe, et si et si, vies en conserve, vies en suspens, peureusement. Contre la toux plus de joujoux. On se frictionne tout partout. De soi aussi on se méfie. Et si et si. Bal masqué sans bouger, sans danser, sans respirer. On suffoque, on sanglote, on se révolte. Mais c’est pour notre bien ce mal de chien, ce nouveau monde, où nul ne vagabonde.

Laissons les mots nous contaminer, nous frôler, nous toucher, nous caresser, nous submerger, nous étreindre, nous contraindre, cadeaux de première nécessité, antidotes à la morosité, vaccins à la frilosité.

9 commentaires sur « État d’urgence littéraire »

  1. Tu as bien fait de décider d’écrire. C’est beau, ça remue, ça fait du bien.
    C’est aussi pour cela que l’on écrit non ? Pour faire du bien à ceux qui lisent ?
    Écris encore. Je te lirai.

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