Le temps des cerises

« J’aimerai toujours le temps des cerises : C’est de ce temps-là que je garde au cœur une plaie ouverte » (Jean-Baptiste Clément)

Le temps des cerises

Les sucrées, les acides, les acidulées

Vertige. La balançoire pour monter haut les disputer aux oiseaux

L’échelle pour les découvrir, écarlates sous les feuilles.

Les yeux pour les déguster

La main pour les saisir

Les oreilles pour les accrocher

La bouche pour les admirer

Le cœur pour rêver aux merles moqueurs et gais rossignols. Cerises rouge-gorge.

S’en délecter, la peau ferme qui cède sous la dent, la chair juteuse

Les nuances, rouge foncé, rouge pâle, cramoisies un brin de jaune sur les joues

Vite vite les cueillir, vite vite les mettre en pot

Gare au noyau

Les étals qui fleurissent au bord des routes, 3 euros le kilo

À la fin du repas, juste une ou deux et puis on replonge la main

On joue les prolongations en cuisine. Destin pâtissier, clafoutis, tartes, confitures

Les beaux jours qui commencent, la chaleur qui s’installe

Les branches qui ploient ; les cerises qui roulent, les lèvres qui s’ouvrent. On savoure l’été.

Le temps des crises

Les acides, les amères, les salées

Le temps des accidentés, des délabrés, des fracassés

Les violentes, les fulgurantes, les méchantes

Crise sociale, crise banale, crise de larmes, crise de nerfs, crise humanitaire

On déguste

Destin éteint. Vertige de la corde qui casse, de l’échelle qu’on dégringole

Goût sévère. Forêt noire de monde

Les yeux pour pleurer

Les oreilles pour ne plus rien écouter

La main pour exister

La bouche pour crier, protester

On décroche, on dévisse

Il est bien court le temps des cerises

Il est bien long le temps des crises

Le cœur pour songer aux gouttes de sang

Une saison pour exister ou être oublié

Destin brisé, destin amputé

Cruel moqueur et gaz vitriol. Rues coupe-gorge

Vite vite courir

On se fait cueillir

Tousser

Basculer

Les jambes qui ploient, les plaies qui s’ouvrent, les corps qui roulent

Le noyau qu’on a planté malgré tout

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